La traduction, profession propice à la confusion des genres

La traduction, profession propice à la confusion des genres

Le métier de traducteur vient avec son lot de défis insoupçonnés, qui sont bien souvent à mille lieues des questions d’ordre linguistique. Il nous arrive, entre autres, d’être confrontés à des prénoms qui nous sont exotiques ou peu familiers, auquel cas la question « est-ce un homme ou une femme » se pose assez rapidement, merci, en l’absence d’autres marqueurs linguistiques révélateurs. Cela se produit assez régulièrement dans un contexte de traduction de l’anglais au français. Par exemple, supposons qu’un traducteur traduise un texte sur la nomination de Selcan, Elif, Gökçe ou Hande* au poste de « director », il n’a pas le choix de déterminer le sexe de cette personne, ne serait-ce que pour savoir s’il doit écrire directeur ou directrice.

Si le recours à des tournures neutres est une solution parfois praticable pour contourner ce type de problème, il est plutôt difficile d’escamoter ou de paraphraser un titre! Il faut donc développer des compétences de fin limier pour éviter de procéder à un changement de sexe bien involontaire. S’il est possible d’obtenir discrètement ce renseignement auprès du client, la question est réglée. Sinon, une petite recherche dans LinkedIn ou Facebook porte souvent ses fruits grâce aux renseignements assortis de photos qu’on y retrouve. Un autre bon truc consiste à utiliser le volet Images de Google et d’y lancer une recherche avec le prénom. Les résultats affichent une quarantaine de portraits d’hommes qui sourient? Ne cherchez plus, vous tenez votre réponse. En désespoir de cause, il est toujours possible d’appeler la personne à son bureau, tard le soir ou la fin de semaine. Pourquoi tard le soir et au bureau, me direz-vous? Parce que l’exercice ne vise surtout pas à joindre cette personne et à lui demander son sexe de but en blanc, mais bien à entendre sa voix sur sa boîte vocale. Il y a quelques années, j’ai dû traduire une série de courts communiqués renfermant des tas de noms flanqués de titres sans autre contexte, une époque où je multipliais les appels nocturnes aux messageries vocales.

Plus récemment, imaginez ma joie lorsque j’ai découvert l’existence d’applications donnant la probabilité qu’un prénom soit masculin ou féminin, ce qui permet de trancher la question très rapidement. Voici un exemple d’une de ces petites merveilles. Tous les prénoms ne s’y trouvent pas et l’incertitude demeure dans le cas de prénoms plus neutres, mais cela ajoute à tout le moins un outil à l’arsenal des traducteurs obligés de se livrer à des opérations de sexage bien malgré eux.

*Tous des prénoms de femme, l’auriez-vous su?

 

Par Lise Couillard, traductrice chez Cartier et Lelarge