À chaque règne son vocabulaire

À chaque règne son vocabulaire

Par Isabelle Lafrenière

 

« Au terme d’une grossesse difficile, cette baleine a accouché d’un baleineau, qui est malheureusement décédé. Une autopsie a été pratiquée. » Combien d’impropriétés comprennent ces deux phrases? Pas moins de quatre!

 

En effet, la langue française réserve au règne animal un certain vocabulaire qu’on ne saurait appliquer à l’être humain et vice versa, du moins dans le registre général. Là où l’être humain accouche au terme d’une grossesse, l’animal met bas au terme d’une gestation. Si on pratique une autopsie sur un humain décédé, on pratique une nécropsie sur un animal mort. Cela dit, il ne s’agit pas d’une règle absolue. Le terme gestation pourrait être utilisé dans un texte scientifique traitant de femelles vivipares, y compris les femmes, lorsque l’humain y est considéré au même titre que n’importe quel autre mammifère. Le dictionnaire Usito propose aussi « autopsie d’un cadavre humain » pour nécropsie, en indiquant que c’est un usage vieilli. En revanche, pour le verbe décéder, on trouve dans ce même dictionnaire une remarque selon laquelle cet euphémisme du verbe mourir s’emploie uniquement pour des personnes. Dans le même ordre d’idées, la première définition proposée pour le verbe accoucher est « donner naissance (à un enfant) ».

 

Autres subtilités du français

 

Si un restaurant vend des plats pour apporter, méfiez-vous! Vous devrez préparer vous-même le repas et l’apporter au restaurant! Dans le langage familier, les verbes apporter et emporter sont souvent confondus. Apporter signifie « porter un objet quelque part ou à quelqu’un », ou encore, « fournir, manifester et entraîner ». Il met l’accent sur le point d’arrivée en exprimant une idée de direction par le préfixe « a- ». Emporter signifie « prendre avec soi un objet en partant d’un lieu » ou « entraîner avec force et rapidité ». Ici, l’accent est mis sur le point de départ (préfixe « em- »).

 

Parallèlement, les verbes amener et emmener font souvent l’objet d’une confusion semblable. La notion de point de départ et de point d’arrivée s’applique ici aussi. Par exemple, on amène un enfant à la garderie (d’où l’on repart sans lui), mais on emmène une personne (ou un chien, tant que c’est un être animé) faire une promenade. Dans ce deuxième cas, on reste avec la personne. La principale distinction entre apporter/emporter et amener/emmener, c’est justement la notion d’être animé ou d’objet. On ne peut donc pas apporter ou aller porter quelqu’un quelque part!

 

Sources :

Dictionnaire Usito : https://usito.usherbrooke.ca/

BDL – Apporter et emporter : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=2419

BDL – Amener et emmener : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?th=2&id=2539