La rédaction inclusive

La rédaction inclusive

Par Isabelle Lafrenière

 

Parmi les questions d’actualité qui suscitent de nombreux débats dans les médias et les chaumières, celle de la rédaction inclusive revêt un intérêt particulier pour la communauté langagière, qui doit rester au courant des tendances. Voyons d’abord de quoi on parle exactement.

 

Plusieurs sources offrent d’excellentes définitions des concepts de rédaction inclusive, épicène, neutre, non genrée ou non binaire. Par exemple, selon la Banque de dépannage linguistique (BDL) de l’Office québécois de la langue française (OQLF), « la rédaction épicène est une pratique d’écriture qui vise à assurer un équilibre dans la représentation des hommes et des femmes dans les textes. Elle utilise, lorsqu’il est question de personnes, des désignations féminines et masculines coordonnées (par exemple les lectrices et les lecteurs), la formulation neutre (notamment par l’emploi de tournures épicènes ou de noms collectifs, par exemple le lectorat) et, avec parcimonie, le masculin générique. »

 

Ainsi, « la formulation neutre est l’ensemble des procédés de rédaction qui privilégient les termes ou les tournures ne comportant pas de marques de genre relatives à des personnes. Elle permet de désigner aussi bien un homme qu’une femme en employant notamment des tournures épicènes (dans l’adjectif charitable, par exemple, en comparaison de généreux et de généreuse, le genre grammatical n’est pas visible) ou de désigner des groupes mixtes avec les noms collectifs (comme le nom personnel, de genre grammatical masculin). » La formulation neutre est donc une stratégie qui s’inscrit dans le cadre de la rédaction inclusive ou épicène.

 

Toujours selon la BDL, « la rédaction dite non binaire est un style rédactionnel qui utilise notamment, pour désigner les personnes non binaires ou s’adresser à elles, la formulation neutre (des noms collectifs ou des tournures épicènes, par exemple). » On en revient, encore ici, à la stratégie de formulation neutre.

 

Qu’en est-il des innovations orthographiques et typographiques?

On voit de plus en plus de néologismes comme les pronoms iel, ille, al et ol pour remplacer il ou elle, des mots-valises comme frœur (au lieu de frère ou sœur) et des modifications d’accords comme heureuxe (au lieu de heureux ou heureuse). Or, l’OQLF déconseille le recours à de tels néologismes. Cette délicate question soulève les passions chez ceux et celles qui y voient une forme de rejet des personnes trans ou non binaires, voire du concept même de fluidité de genre. Là n’est pas la question. Il s’agit de mettre à profit toutes les ressources de la langue pour produire des textes inclusifs sans contrevenir aux règles grammaticales et orthographiques du français.

 

Et le point médian?

Il y a toute une polémique autour de l’usage du point médian pour abréger les doublets (p. ex. étudiant·e·s au lieu de étudiants et étudiantes), notamment en France, mais aussi au Québec. Lorsque le débat entourant la féminisation des titres a fait surface au Québec, il y a plusieurs dizaines d’années déjà, l’OQLF (OLF à l’époque) avait conclu que les graphies tronquées étaient acceptables uniquement dans les espaces restreints comme des tableaux ou des formulaires. À ce jour, seuls les crochets et les parenthèses sont retenus comme symboles typographiques d’abréviation d’un doublet (p. ex. « signature de l’employé[e] » dans un formulaire). « Le point médian est un signe graphique absent de l’orthographe et de la grammaire françaises, explique Monique Cormier, professeure titulaire au département de linguistique et de traduction de l’Université de Montréal (UdeM). Situé non pas sur la ligne, mais au centre, il est aussi absent du clavier français, alors les gens le remplacent par le point, ce qui cause autant de difficultés de lecture que de difficultés de prononciation. »

 

À ces difficultés, s’ajoute le problème de la segmentation des textes par les outils de traduction assistée par ordinateur (TAO), qui utilisent généralement le point à la ligne comme marqueur de séparation entre les phrases. On risque ainsi de se retrouver avec des concordanciers bilingues complètement désalignés.

 

Principes de base de la rédaction inclusive

Dans un souci de promotion de la diversité et de l’inclusion, de plus en plus d’organisations sont sensibles au choix des mots et des formulations dans leurs communications. Les spécialistes de la langue doivent donc garder en tête certains principes de base. D’abord, ils seraient bien avisés de remettre en question le recours systématique au générique masculin. Plusieurs stratégies (formulations neutres, noms et adjectifs épicènes, etc.) permettent de produire un texte inclusif, lisible et exempt de formes tronquées. Ces stratégies sont bien expliquées dans divers guides de rédaction épicène accessibles à tout le monde, dont ceux de l’INRS et de l’UdeM (voir les sources du présent texte).

 

Dans le cadre du rôle-conseil des membres des professions langagières, il faut connaître les règles et en informer la clientèle, qui pourra ensuite prendre des décisions rédactionnelles éclairées, à sa discrétion. Le but n’est pas de dicter des pratiques, mais bien d’informer les gens et de les aider à atteindre leurs objectifs en matière de diversité et d’inclusion.

 

Sources :

Institut national de la recherche scientifique (INRS) – Inclusivement vôtres! Guide de rédaction inclusive

Banque de dépannage linguistique (BDL) – Rédaction épicène, formulation neutre, rédaction non binaire et écriture inclusive

Blogue Antidote – Rédaction inclusive

Université de Montréal (UdeM) – Inclusivement : formation à l’écriture inclusive pour tous et toutes