Traduction professionnelle et protection du français

Traduction professionnelle et protection du français

Par Isabelle Lafrenière

 

Alors que le projet de loi 96 sur la langue officielle et commune du Québec faisait les manchettes l’automne dernier, l’OTTIAQ a eu l’occasion de comparaître devant la Commission de la culture et de l’éducation et de souligner le rôle prépondérant que jouent les langagiers professionnels dans la protection du français.

Le 29 septembre 2021, Donald Barabé, président de l’OTTIAQ, expliquait aux commissaires la nature du double mandat de protection de l’OTTIAQ, à savoir « protéger le public contre un préjudice », comme tous les ordres professionnels, et « protéger la société québécoise contre l’acculturation et l’assimilation culturelle », rien de moins. L’OTTIAQ et ses membres jouent un rôle fondamental dans la protection des droits linguistiques des Québécois, le Québec étant dans une situation unique, isolé dans un immense territoire où règne l’anglais.

 

Voici quelques extraits éloquents du mémoire présenté par l’OTTIAQ à la Commission de la culture et de l’éducation dans le cadre des consultations entourant le projet de loi 96 :

 

  • « La traduction permet donc aux Canadiens, et aux Québécois, d’exercer leur droit constitutionnel de ne pas parler l’autre langue officielle, tout en leur donnant la possibilité de communiquer entre eux. » (p. 3)

 

  • « Toutes proportions gardées, le Québec est l’un des endroits sinon l’endroit au monde où il se fait le plus de traduction. La qualité de celle-ci influe considérablement sur la qualité du français au Québec. » (p. 4)

 

  • « Presque tout ce qui entre au Québec et presque tout ce qui en sort passe par la traduction. La traduction joue ainsi un rôle essentiel dans la préservation de l’identité francophone du Québec et dans la qualité du français au Québec. En outre, elle joue un rôle capital dans l’exportation du Québec au Canada et dans le monde. Elle est à la fois un gage d’ouverture du Québec sur le monde et un rempart contre l’acculturation. » (p. 4)

 

  • « Si la qualité du français est importante pour l’identité de la société québécoise, la qualité des traductions en français est cruciale à la fois pour cette identité et pour la protection du public. » (p. 10)

 

Devant la Commission, Donald Barabé a déclaré que l’on assistait « à une anglicisation de la langue ». Les commissaires n’ont pas manqué d’établir un parallèle avec la France, où certains mots anglais comme parking ou shopping ont la cote. Mais Betty Cohen, traductrice agréée renommée qui représentait l’OTTIAQ avec Donald Barabé devant la commission, a apporté une importante précision sur le caractère insidieux des anglicismes syntaxiques : « Effectivement, il y a un danger pour la langue française un peu partout. En revanche, en France, ça relève un peu de la mode, du vocabulaire. Ça ne relève pas de la structure de la langue. Au Québec, […] l’anglicisation se fait dans la structure de la phrase. C’est ça qui est pernicieux. »

 

En effet, le phénomène de l’anglicisation du français au Québec prend souvent la forme d’anglicismes syntaxiques qui peuvent passer inaperçus dans notre discours palé et écrit. En contact constant avec les deux langues, les locuteurs en viennent à perdre de vue les frontières entre les deux systèmes linguistiques et à confondre les règles propres à chacun. Ainsi, les erreurs touchant les prépositions et les conjonctions, la forme passive, l’ordre des mots, la structure des phrases et la voix du verbe se multiplient. En voici quelques exemples :

 

Expression fautive Origine Expression correcte
Marcher le chien Walk the dog Promener le chien, faire marcher le chien ou lui faire faire sa promenade
Je suis un traducteur I am a translator Je suis traducteur
Téléphonez ce numéro Call this number Composez ce numéro ou téléphonez à ce numéro
J’attends pour mon frère I am waiting for my brother J’attends mon frère

 

À cela s’ajoutent les anglicismes sémantiques, c’est-à-dire des mots de morphologie semblables, mais qui n’ont pas nécessairement le même sens dans les deux langues. Par exemple, le terme anglais eligible se traduit généralement par « admissible » et non « éligible » (possibilité pour une personne d’être élue).

 

Comment faire pour s’y retrouver?

Les langagiers professionnels demeurent vos meilleurs alliés. Leur formation universitaire les a préparés à reconnaître ces erreurs et à les éviter dans leurs textes. Elle leur a également permis de développer un éventail de compétences qui vont bien au-delà du transfert linguistique, notamment la rigueur de mener des vérifications exhaustives pour assurer l’exactitude de leurs documents. M. Barabé et Mme Cohen ont recommandé à la Commission d’exiger que les documents certifiés soient traduits par des traducteurs agréés. Or, même pour des documents d’autre nature, les entreprises ont avantage à recourir aux services de traducteurs professionnels pour produire des communications de qualité et promouvoir le bon usage de la langue française. Il en va non seulement de leur image de marque, mais de la protection de notre belle langue.

 

Références

Comparution de l’OTTIAQ devant la Commission de la culture et de l’éducation le 29 septembre 2021

Mémoire déposé par l’OTTIAQ devant la Commission de la culture et de l’éducation

BDL, anglicismes sémantiques

BDL, anglicismes syntaxiques

Termium Plus, Clefs du français pratique, anglicismes syntaxiques

Autre article sur le même sujet, par Claudette Monty dans le Journal de Montréal