Par Isabelle Lafrenière, avec l’aide de Laurence Marion-Pariseau pour la recherche
Les expressions figées comportent leur lot d’images, qui ne sont pas nécessairement les mêmes dans les deux langues officielles du Canada. Là où le francophone tourne autour du pot, l’anglophone beats around the bush. Si le mariage du premier bat de l’aile, celui du second is on the rocks, ce que l’un connaît comme le fond de sa poche, l’autre knows it like the back of his hand. Quand ça coûte les yeux de la tête, it costs an arm and a leg.
Notre conception du monde est teintée par notre culture, comme on peut le constater à la lumière de telles expressions. Pour parler d’un événement susceptible de ne jamais se produire, la semaine des quatre jeudis en français s’oppose au month of Sundays en anglais. Même les animaux se voient confier un rôle distinct dans notre imaginaire linguistique. En effet, on dit que les poules auront des dents lorsque les cochons pourront voler (when pigs can fly). Là où le francophone a d’autres chats à fouetter, l’anglophone has other fish to fry.
Qu’en est-il de notre perception mutuelle? L’expression to take a French leave, qui signifie s’éclipser discrètement, sans permission ni salutations, que l’on traduit par « filer à l’anglaise », est éloquente!
« L’anglais fait du collectif un usage qui de prime abord déroute les esprits français, et dans certains cas, il crée un singulatif qui est la contre-partie du collectif. »
Dans leur méthode de traduction bien connue des langagiers, messieurs Vinay et Darbelnet étudient abondamment les différences stylistiques entre le français et l’anglais au niveau du lexique, de l’agencement des mots et du message. À l’aide de nombreux exemples, ils exposent les différentes stratégies respectives à chacune de ces langues pour exprimer une réalité ou une idée. Sur le plan du nombre, par exemple, il est intéressant de constater l’absence de correspondance absolue. « L’anglais fait du collectif un usage qui de prime abord déroute les esprits français, et dans certains cas, il crée un singulatif qui est la contre-partie du collectif. » Par exemple, le singulier care sera le plus souvent rendu par le pluriel « soins », tout comme le singulier homework correspond au pluriel « devoirs ». L’inverse est aussi vrai quand on pense à l’Himalaya, la chaîne de montagnes souvent désignée au pluriel en anglais (the Himalayas ou les montagnes).
On ne saurait dresser une liste exhaustive de toutes ces distinctions, qui font la richesse de notre langue et de notre culture respectives. Enfin, anglophones et francophones seraient d’accord pour dire que quiconque s’attaque à une tâche aussi colossale « n’est pas sorti du bois », une expression calquée de l’anglais not to be out of the woods qui est aujourd’hui largement passée dans l’usage.
Sources :
Vinay et Darbelnet (1977). Stylistique comparée du français et de l’anglais : méthode de traduction. Montréal : Beauchemin Chenelière éducation
McLay (1980). Idioms 1. Ottawa : Canada Communication Group – Publishing
Sites Web : https://www.expressio.fr et Linguee Dictionary
Pas sortis du bois : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4714