Les progrès fulgurants de la traduction automatique

Les progrès fulgurants de la traduction automatique

Par Ariane Lelarge Emiroglou

 

Ces trois dernières années, la traduction automatique a connu plus de progrès que depuis sa création dans les années 50. Facebook, YouTube, ou encore Google Chrome proposent maintenant aux internautes de traduire certains contenus dans leur langue, quand ils ne le font pas automatiquement. Force est d’admettre que les nouveaux moteurs de traduction automatique produisent de bien meilleurs résultats qu’avant, notamment dans les disciplines techniques et sur les marchés de masse, bien qu’ils ne soient pas entièrement exempts de faux-sens et de maladresses.

Cette méthode d’apprentissage profond repose sur des réseaux de neurones artificiels, qui entraînent des corpus et ont la capacité de se corriger, à la manière d’un cerveau humain.

En 2016, Google offre une nouvelle version, nettement plus efficace, de son système de traduction automatique. En 2017, DeepL, qui appartient à la société allemande Linguee, met en ligne une plateforme qui est rapidement considérée comme la plus performante sur le marché. Le secret de ces récents progrès? La technique NMT, qui désigne Neural Machine Translation, ou traduction automatique neuronale. Cette méthode d’apprentissage profond repose sur des réseaux de neurones artificiels, qui entraînent des corpus et ont la capacité de se corriger, à la manière d’un cerveau humain. Les géants du Web, tels que Facebook, Microsoft et Amazon, s’en emparent et produisent des résultats remarquables dans différents domaines de l’intelligence artificielle, comme la reconnaissance vocale et visuelle.

Pourquoi a-t-il fallu attendre ces dernières années pour observer de telles avancées en traduction automatique? La première approche, remontant aux années 50, visait à apprendre des règles grammaticales à la machine, écrites à la main par des ingénieurs. Les phrases traduites, assemblées de façon mécanique, n’étaient pas fluides et comportaient beaucoup d’erreurs. Apparue dans les années 90, une nouvelle méthode fondée sur les statistiques change la donne : la machine ingurgite d’immenses corpus et les compare pour proposer la traduction la plus probable. Avec l’apparition des systèmes NMT dans les années 2010, les grands laboratoires de traduction automatique font table rase des anciennes méthodes, et les résultats ne mentent pas. En 2017, Facebook annonce que ses nouveaux systèmes sont neuf fois plus rapides qu’avant, sans compromettre la qualité du rendu.

Si la traduction est réalisée en un temps record, près de 20 % du texte a été modifié par les spécialistes pour produire un résultat satisfaisant.

Un autre exemple qui a fait date est la traduction en français de Deep Learning, l’ouvrage scientifique de référence sur l’apprentissage machine cosigné par Yoshua Bengio, dans le cadre d’un partenariat entre Quantmetry, un cabinet de conseil en intelligence artificielle, et DeepL, qui a fourni son moteur. Si la traduction est réalisée en un temps record, il a fallu créer un répertoire de règles pour les formules mathématiques, et près de 20 % du texte a été modifié par les spécialistes pour produire un résultat satisfaisant. Cerise sur le gâteau : même l’image de couverture a été « traduite » par la machine.

Les différentes entreprises de traduction automatique n’ont pas fini de perfectionner leurs outils et d’étendre leurs activités à l’échelle mondiale. Pendant que Facebook travaille à l’intégration de langues exotiques dans le but de favoriser les échanges entre communautés linguistiques, Google continue d’élargir son bassin de contributeurs – estimés à plus de 10 millions aujourd’hui – afin d’ajouter régulièrement de nouvelles langues à son catalogue, qui en compte déjà plus d’une centaine.

Malgré les progrès de la traduction automatique, il semble que la profession de traducteur a encore de beaux jours devant elle.

Ce géant du Web, de même qu’Amazon ou encore Baidu, le plus grand moteur de recherche chinois, vendent également leurs services de traductions aux entreprises. Ces dernières y voient la possibilité de répondre plus facilement et plus rapidement aux besoins de communication multilingue instantanés de leurs effectifs internationaux, ainsi que d’économiser sur leurs coûts globaux de traduction.

Les traducteurs doivent-ils tirer la sonnette d’alarme? La question est ouverte, mais malgré les progrès de la traduction automatique, notamment dans les domaines de spécialité, comme la médecine et le tourisme, il semble que la profession de traducteur a encore de beaux jours devant elle. La culture, les émotions, les sentiments, l’esprit critique et le contexte sont les meilleurs outils pour prendre de bonnes décisions, et ils sont encore, à bien des égards, difficiles à apprivoiser par la machine.

 

Cet article est le deuxième de notre série sur la traduction automatique. Lisez les articles un et trois.