Superlatif superflu?

Superlatif superflu?

Le 8 février dernier, le quotidien Le Soleil titrait « La nouvelle poutine d’Ashton élue deuxième meilleure au Canada ». Si on peut féliciter Ashton de cette deuxième position, on se gardera bien de louer l’usage de la formule deuxième meilleure. En français, le superlatif ne tolère pas de deuxième meilleur. Seul le premier objet d’une série peut être qualifié de meilleur ou être considéré comme le plus grand, le plus fort, le plus petit et ainsi de suite. La logique du français n’admet pas qu’une chose ou une personne soit à la fois en tête du classement et en deuxième position.

Dans un contexte de traduction, la tentation d’utiliser le superlatif de manière fautive est d’autant plus grande que l’anglais n’a aucun scrupule à employer des formules du type second-best ou third-largest, tout à fait correctes dans la langue anglaise. Voici donc quelques stratégies rédactionnelles pour éviter le calque.

D’abord, quand le contexte est clair, on peut simplement se passer du superlatif et gagner en concision par la bande. Par exemple, on peut dire que la Chine est la deuxième économie mondiale, l’implicite étant que l’économie de la Chine est la deuxième en importance au classement mondial.

Une autre solution consiste justement à indiquer le critère qui sert à établir le classement en question (en importance, en superficie, en nombre d’habitants, etc.). Ainsi, faute de pouvoir dire que le Canada est le deuxième plus grand pays du monde, on peut le qualifier de deuxième pays du monde en superficie.

Enfin, le mot « rang » offre une porte de sortie dans maintes situations. En effet, on peut dire de la fameuse poutine d’Ashton qu’elle arrive au deuxième rang des meilleures poutines au Canada. L’étoffement est souvent obligatoire, mais les solutions ne manquent pas pour contourner ce calque syntaxique.

En somme, si Ashton ne remporte pas les plus grands honneurs durant la désormais célèbre Semaine de la poutine l’an prochain, vous pourrez maintenant parer à toute éventualité!

 

Lise Couillard et Justine Reid

Catégorie : Grammaire

Sources :

Higgins, Francis. « La nouvelle poutine d’Ashton élue deuxième meilleure au Canada », Le Soleil, 8 février 2024 [En ligne], https://www.lesoleil.com/vivre/dans-l-assiette/restaurants/2024/02/08/la-nouvelle-poutine-dashton-elue-deuxieme-meilleure-au-canada-BWK4YMLRKJDV7NG3TRKSIGHCYU/ (page consultée le 11 mars 2024).

 

Delisle, Jean (2011). La traduction raisonnée, 3e éd., Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 716 p.

Desrosiers, Jacques (2009). « Le deuxième plus important », L’Actualité langagière, vol. 6. no 2, sur le site Chroniques de langue – Gouvernement du Canada [En ligne], https://www.noslangues-ourlanguages.gc.ca/fr/chroniques-de-langue/le-deuxieme-plus-important (page consultée le 11 mars 2024).

« Deuxième meilleur, troisième plus… : emprunts déconseillés », La vitrine linguistique [En ligne], https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/22389/les-emprunts-a-langlais/emprunts-syntaxiques/deuxieme-meilleur-troisieme-plusnbsp-emprunts-deconseilles (page consultée le 11 mars 2024).