Comment traduire sans verser dans les automatismes?

Comment traduire sans verser dans les automatismes?

Par Isabelle Lafrenière

 

Le transfert linguistique comporte certains pièges généralement reconnus, mais souvent oubliés dans le feu de l’action. En travaillant rapidement, on tombe parfois en mode « pilote automatique », un relâchement de vigilance qui peut laisser s’installer des réflexes à remettre en question. Par exemple, management ne se traduit pas systématiquement par gestion. Parfois, the management team, c’est l’équipe de direction. Même chose pour manager, qui peut désigner un poste de chef de service, de direction ou de gestion de projet.

 

La fatigue intellectuelle peut mener à la transgression de frontières sémantiques. Si le mot « extension » a la même graphie en français et en anglais, il n’a pas en français le sens de prolongation, de poste téléphonique ou de rallonge électrique du mot anglais extension. Aussi faut-il ne pas confondre prolongation (dans le temps) et prolongement (dans l’espace), tous deux dérivés du verbe prolonger. Par exemple, on parlera d’une prolongation de contrat, mais du prolongement d’une route.

 

Dans le même ordre d’idées, existing ne se traduit pas toujours par existant. S’il convient de rendre existing laws par lois existantes, on dira mieux clients actuels pour existing clients, faute de quoi on pourrait penser que ces derniers s’opposent aux clients « inexistants ». Il faut prendre le temps de réfléchir au contexte pour choisir les bons cooccurrents.

 

Le même phénomène se produit avec des adjectifs comme relevant, qui ne se traduit pas toujours par pertinent. Par exemple, pour traduire relevant managers, on peut parler de « gestionnaires concernés » (et non de gestionnaires pertinents, une traduction qui laisse entendre que certains gestionnaires seraient impertinents…).

 

La notion de position/positioning n’est pas facile à traduire non plus. Dans des passages comme how to position the tool ou positioning our tool to the customer, il est question de présenter l’outil au client dans l’intention de lui vendre l’idée pour l’amener à l’adopter. Une traduction littérale comme « positionner l’outil » ou « positionnement de l’outil » pourrait convenir dans un contexte beaucoup plus concret, comme un mode d’emploi expliquant comment placer l’outil pour l’utiliser convenablement. Encore faut-il oser s’éloigner des mots anglais et reformuler l’idée le plus naturellement possible en français. Les solutions possibles sont variées et nombreuses!

 

Positivity est un autre terme à traduire avec prudence. S’il convient parfois de le rendre par « positivité » (caractère de ce qui est positif, comme un test de dépistage) ou « positivisme » (doctrine qui se caractérise par le refus de la spéculation métaphysique et l’idée que seuls les faits d’expérience et leurs relations peuvent être des objets de connaissance certaine), il faut savoir reconnaître les contextes où on parle simplement d’optimisme ou d’attitude positive.

 

Pour traduire statutory rights (droits prévus par la loi), on commet un calque en optant pour « droits statutaires ». En effet, statutaire signifie « conforme ou relatif aux statuts, prévu dans les statuts ». Encore là, le champ sémantique de statute est plus large que celui de statut. Le recours aux bons vieux dictionnaires peut nous être d’un grand secours!

 

L’automatisme peut nous faire oublier certaines règles régissant les prépositions, que ce soit sur le plan des équivalents théoriques ou de l’idiomaticité. La préposition for ne se rend pas toujours par « pour », et la présence d’un article en anglais ne signifie pas qu’un article est nécessaire en français. L’expression to be waiting for someone se traduit sans préposition (attendre quelqu’un), tout comme I am a translator se rend par « je suis traductrice » et non « je suis une traductrice ».

 

Enfin, il faut aussi faire attention aux temps de verbe. Le futur anglais ne se rend pas toujours par le futur en français. Il a parfois la valeur du présent, et il peut exprimer une obligation. De même, le passé anglais ne correspond pas toujours au passé composé en français. Selon le contexte, il peut aussi avoir la valeur du présent, comme dans un procès-verbal.

 

Évidemment, nous savons tout cela, mais nos réviseurs remarquent que ce type d’erreurs échappe parfois à la vigilance des traducteurs, d’où l’importance de se rafraîchir la mémoire de temps en temps!

 

Sources :

 

La plupart des définitions énoncées dans le texte sont tirées d’Usito ou du Merriam Webster en ligne.

 

Extension : https://usito.usherbrooke.ca/d%C3%A9finitions/extension

Prolongation : https://usito.usherbrooke.ca/d%C3%A9finitions/prolongation

Prolongement : https://usito.usherbrooke.ca/d%C3%A9finitions/prolongement

Positivisme : https://usito.usherbrooke.ca/d%C3%A9finitions/positivisme

Positivité : https://usito.usherbrooke.ca/d%C3%A9finitions/positivit%C3%A9

Statutory right : https://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-eng.html?lang=eng&i=1&index=ent&srchtxt=statutory+right

Statute : https://www.merriam-webster.com/dictionary/statute

Statutaire : https://usito.usherbrooke.ca/d%C3%A9finitions/statutaire

Statut : https://usito.usherbrooke.ca/d%C3%A9finitions/statut

Le Rouleau des prépositions : Est-ce à, de, en, par, pour, sur ou avec? La préposition vue par un praticien, Maurice Rouleau. 2002